A
CHARGE
CELINE, la RACE, le JUIF
Légende
littéraire et vérité historique.
Quelle
charge ! Pierre-André Taguieff et Annick Duraffour
livrent une enquête sans concession sur l'auteur de
Voyage au bout de la nuit, présenté comme un
antisémite obsessionnel. Ils révèlent à L'Express,
en avant-première, leurs découvertes. Polémique en vue.
Tout
n'avait-il pas été dit sur l'antisémitisme de Céline?
Pierre-André Taguieff : Tout, non, loin de là. Céline pense l'Histoire
sur la base de l'antagonisme irrémédiable entre juifs et
aryens. La poétique qu'il expose dans Bagatelles...
est fondée sur un postulat raciste : sa " petite musique
" est issue du " fond émotif aryen ", or les juifs sont
les " ennemis nés de l'émotivité aryenne ". A partir de
1937, il puise des matériaux aussi bien dans les textes
de propagande nazis ou pronazis que dans la littérature
raciste savante, illustrée notamment par les écrits de
l'anthropologue George Montandon, qui devient son ami en
1938.
Dans ses pamphlets, Céline utilise de nombreux faux à visée antijuive (le
" Discours du rabbin ", Les Protocoles des sages de
Sion, etc.). Les précurseurs français de Céline sont
Georges Vacher de Lapouge et Urbain Gohier.
Contrairement à Maurras, Céline ne fait pas de
distinctions entre juifs : il affirme en 1938, que " les
juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides
loupés, tiraillés, qui doivent disparaître ".
Quels
nouveaux éléments avez-vous trouvés ?
P.-A. T. : En premier lieu, nous avons mis en lumière des contacts
internationaux de Céline avec des réseaux pronazis, à
commencer par l'agence spécialisée dans la propagande
antijuive, le Welt-Dienst ou " Service mondial ", qui
soutenait et fournissait en matériaux divers les
professionnels français de l'antisémitisme : Henry
Coston, Louis Darquier (dit " de Pellepoix ") ou
Henri-Robert Petit, ami et " documentaliste " gracieux
de Céline pour Bagatelles et L'Ecole des
cadavres.
Nous analysons aussi ses liens avec des agents ou des responsables nazis,
comme le leader pronazi canadien Adrien Arcand, qui
l'accueille à Montréal en " invité d'honneur ", au début
de mai 1938, à l'assemblée générale de son mouvement,
les Chemises bleues.
Annick Duraffour : Les recoupements entre les
textes publiés, la biographie et l'histoire
événementielle permettent de montrer que Céline a été
informé de l'extermination des juifs en juillet-août
1942 et font tomber l'argument régulièrement avancé
selon lequel " Céline ne savait pas ". Ces recoupements
confirment également la véracité du témoignage de
l'écrivain allemand Ernst Jünger, systématiquement
balayé d'un revers de la main par des biographes
indulgents. Jünger avait rapporté des propos meurtriers
de Céline tenus en décembre 1941 à l'Institut allemand :
" Il dit combien il est surpris que [...] nous ne
pendions pas, que nous n'exterminions pas les juifs. "
Cela contredit la thèse habituelle d'un antisémitisme
purement littéraire et finalement inoffensif.
Etait-il
en relation étroite avec des personnalités de la
collaboration ?
P.-A. T. : La légende d'un Céline " seul " fait pendant à celles d'un
Céline " anarchiste " et " pacifiste ". Il fréquente de
hauts responsables de la collaboration, comme Fernand de
Brinon ou Jacques Doriot, l'ambassadeur Otto Abetz,
l'officier SS Hermann Bickler ou Arthur S. Pfannstiel
(du SD, le service de renseignement allemand), rencontre
à sa demande le lieutenant-colonel SS Karl Bömelburg, et
bénéficie de l'admiration et du soutien du directeur de
l'Institut allemand, Karl Epting.
Il se fait le prophète des ultras du collaborationnisme, à travers sa
stratégie de publications de lettres ouvertes dans les
journaux les plus extrémistes, tel Au pilori, et
participe à des réunions ou des meetings organisés par
les milieux pronazis.
Iriez-vous
jusqu'à dire que Céline a dénoncé des juifs ou des
étrangers aux autorités allemandes ?
A. D. : La légende d'un Céline qui n'aurait collaboré que par des "
mots ", et non par des " actes ", a perdu toute
crédibilité : le pro-hitlérien déclaré a donné dans la
délation. Et il faudra bien qu'un jour les biographes de
Céline se soumettent aux faits. J'avais relevé, en 1999,
les dénonciations par voie de presse de Robert Desnos et
du Dr Mackiewicz, secrétaire des médecins de
Seine-et-Oise, la dénonciation publique du Dr Howyan -
sa collègue médecin au dispensaire de Clichy - devant
une assemblée doriotiste, ou celle de Serge Lifar.
Les premières dénonciations de Céline visaient, en octobre-novembre 1940,
le Dr Joseph Hogarth, médecin-chef du dispensaire de
Bezons. Céline, qui cherche à obtenir son poste, le
dénonce au nouveau maire de la ville, nommé par Vichy,
comme " médecin étranger juif non naturalisé ", puis,
mieux informé, au directeur de la Santé, à Paris, comme
" nègre haïtien [qui] doit normalement être renvoyé à
Haïti ". Ces dénonciations du Dr Hogarth, à qui nous
dédions notre livre, montrent de quoi Céline était
capable quand intérêt personnel et racisme se mettaient
au service l'un de l'autre. [...].
(Propos recueillis par Jérôme Dupuis, Céline, la race, le Juif, Fayard,
2017, L'Express, 01/02/2017).
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HITLERIEN ET PORNOGRAPHIQUE. " Pétitions,
tambours ", l'installation de Céline à Meudon fait grand
bruit !
Comme d'habitude , on croyait qu'il avait
affabulé. Des tracts à Meudon pour dénoncer
l'installation de Céline dans cette paisible commune, en
1951 ?
" Ici même à Meudon, pourtant infiniment discret, on ne peut plus
courtois bien élevé, serviable, si on m'a fait voir ce
qu'on pensait... d'abord par pétitions, tambours, et
puis plus fort tambouriné, tout ce que murmuré, et puis
par disques et haut-parleurs, tout ce que j'étais, tous
les détails... dix fois Petiot, hyper Landru...
", écrit-il dans Rigodon.
Et bien, tout cela était rigoureusement vrai ! Voici le tract fielleux que
les Meudonnais ont pu découvrir dans leur boîte aux
lettres peu avant les élections municipales de 1953.
Louis-Ferdinand Céline y est mis sur le même plan qu'un
ancien ministre de Pétain - Fernand de Brinon - et qu'un
haut dignitaire du IIIe Reich - Otto Abetz.
Il y est présenté comme " écrivain hitlérien et pornographique " et " ami
intime " de plusieurs nazis.
Céline
est ironiquement censé appeler à voter pour une liste d'
" Union communale & d'action sociale ". A toutes fins
utiles, on rappelle même qu'il est inscrit sur les
listes électorales au bureau n° 6 et qu'il habite au "
25 bis route des Gardes ".
Les fiches de ces pétitions étaient décidément imprécises : c'était au 25
ter...
(Jérôme Dupuis, Lire, H-S n°7, 26 juin 2008)
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CENSURE A LA TELEVISION FRANCAISE.
A la fin des années 50, Louis Pauwels animait avec
Jean Feller et Jacques Mousseau une émission littéraire,
En Français dans le texte. Grand admirateur de
Céline, lorsqu'il travaille pour la télévision
française, c'est tout naturellement qu'il a l'idée de
réaliser un entretien avec lui. L'enregistrement a lieu
en mars 1959 et l'émission est programmée pour le 19
juin.
Dès l'annonce de l'émission, une Association
nationale des combattants de la Résistance adresse
une lettre à Roger Frey, ministre (gaulliste) de
l'Information, réclamant sa suppression. Le lendemain,
les quotidiens (Le Figaro, Le Monde, l'Aurore,
Libération) se font l'écho de cette exigence.
Jean-Pierre Dauphin note que si la presse relaie
l'information, elle ne prend pas parti. C'est exact à
l'exception de L'Humanité. Sous le titre " Le
raciste Céline à la télévision ! " le quotidien
communiste y va de son propre commentaire :
" La R.T.F. - c'est-à-dire le gouvernement -
ouvrira-t-elle ses studios à l'un des personnages les
plus abjects que l'on puisse imaginer ? Les caméras de
la télévision enverront-elles sur tous les petits écrans
de France l'image d'un individu qui a lié son nom à
toutes les turpitudes du racisme, de l'antisémitisme, de
l'hitlérisme ? "
Et de relayer la réaction du MRAP (Mouvement contre le Racisme,
l'Antisémitisme et pour la Paix) qui rappelle " le
rôle particulièrement nocif joué avant la dernière
guerre et sous l'occupation par cet écrivain dans
l'excitation à la haine antisémite, alors que se
déchaînait contre les Juifs la plus inhumaine entreprise
d'extermination ".
"
Lui offrir aujourd'hui la possibilité de s'adresser à
des millions de Français constitue une grave offense à
la mémoire des victimes de l'antisémitisme hitlérien et
vichyste et de tous les héros qui ont succombé dans les
combats pour la libération
du pays. Passer l'éponge sur les méfaits d'un tel homme
ne peut en outre qu'encourager ceux qui, s'inspirant des
mêmes calomnies, des mêmes haines qu'il s'efforçait de
répandre, se livrent à des activités racistes et
antisémites de plus en plus inquiétantes. "
Le MRAP demande à la direction de la R.T.F. et au ministre de
l'Information " d'empêcher cette propagande indécente
et dangereuse. "
Le quotidien communiste conclut en affirmant que
" tous les démocrates, quelles que soient leurs opinions
particulières, formuleront la même exigence. Ce n'est
pas parce que des anciens féaux de Pétain participent au
gouvernement actuel qu'un L.-F. Céline doit être
autorisé à parader à leur télévision ! "
Le résultat ne se fait pas attendre et la direction de la Radio
Télévision Française décide de ne pas diffuser cette
émission. Céline aura le dernier mot : l'année suivante,
dans Nord, il évoquera le tour que lui joua la
télévision française, " de toute parfaite lâche
muflerie ! "
(BC n° 356, oct. 2013).
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ANTICÉLINISME PRIMAIRE.
L'offensive vient, cette fois, du Canada où, ironie,
Céline envisagea un moment de s'exiler. Cela s'appelle
Discours de réception et la couverture nous montre
Hitler parlant à un rassemblement de SA, en
1933.
Extrait de la quatrième de couverture : " Nous sommes
en 1953 : Hitler a gagné la guerre. La France est
réduite par l'Occupant à un Etat semi-agricole où règne
une idéologie agrarienne célébrant les vertus du
travail, de la famille et de son hygiénisme. Ce jour-là,
Abel Morandon, médecin maréchaliste, prononce son
discours de réception à l'Académie française, un éloge
de son prédécesseur Louis-Ferdinand Céline, mort
quelques mois plus tôt d'une embolie cérébrale, et dont
le dernier ouvrage, La mort des Juifs, a
rencontré un vif succès outre-Rhin. "
Dans un livre récent, Céline est à la fois
qualifié d'ange et de démon. Ici, il est vu comme un "
mythe littéraire " et une " ordure canonisée
", excusez du peu. Céline-Bardamu se décrivait comme "
scientifiquement médiocre " (L'Eglise). Promotion
? L'auteur, un dénommé Gosselin, l'imagine en grand
inventeur de plusieurs produits miracles, soulageant
successivement Pétain, Hitler et Goering, pour n'en
citer que quelques-uns. Cette diatribe anticélinienne
est d'une peu commune vulgarité et témoigne d'une
méconnaissance abyssale de l'écrivain.
Jugez plutôt : le Céline présenté par Gosselin est académicien, chantre
de la Révolution Nationale, apologiste des études
gréco-latines, admirateur de Henri Pourrat et de Barrès,
ami fervent et laudateur de Brasillach, et bien entendu,
irréductible partisan de l'extermination des juifs.
A quand un pamphlet intelligent contre Céline ? Ce n'est
sans doute pas pour demain, il faut le craindre. La
fiction a, hélas, ses limites, et, pour être efficace,
il faudrait que la fabrication soit crédible. On assiste
ici à une sinistre bouffonnerie d'une bêtise insondable.
Qu'il se soit trouvé dans la " Belle Province " un
éditeur assez borné pour rendre publique cette prose
affligeante est une mauvaise nouvelle pour nos amis
québecois.
M.L. (BC n°248).
Yves Gosselin, Discours de réception, Ed. Lanclôt,
Outremont, Québec, 2003.
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La vermine du Spiegel : le
traître Céline.
HUMEUR.
Le Spiegel
s'intéresse beaucoup à la France. A Céline aussi. La vente du manuscrit de Voyage au bout de la nuit
était une bonne occasion de dire, une fois encore, ce
qu'il pense de son auteur, ou plutôt ce que nous devons
en penser.
C'est le correspondant en France de l'hebdomadaire allemand - que nous
avons déjà vu à l'œuvre
cette année à propos du livre relatif au voyage
désormais fameux des écrivains de la Collaboration en
Allemagne -, le bon Doktor Leick, qui a été évidemment
chargé de cette tâche.
Dans un article du 21 mai [2001], il nous
dit d'abord qui est Céline : le docteur Louis-Ferdinand
Destouches, qui s'est lui-même nommé ainsi, d'après le
prénom de sa grand-mère bien-aimée. Nous voilà donc
parfaitement renseignés.
Mais qui était vraiment cet individu ? Après la guerre,
proscrit et méprisé, un homme brisé, un demi-fou, plein
de haine, qui ne voulait presque plus voir personne,
négligé comme un clochard, et qui ne causait presque
plus qu'avec le perroquet Toto, dont sa femme lui avait
fait cadeau. Joli tableau.
Comme quelques autres écrivains français, Céline avait
pris le parti du régime de Vichy et du Troisième Reich.
" Quelques " écrivains français ? Voir la liste des plus
de 150 interdits par le C.N.E. dont Benoit, Béraud,
Brasillach, Céline, Chardonne, Drieu la Rochelle, Giono,
Jouhandeau, Maurras, Montherlant, Morand, Rebatet,
etc... s'y ajoutant au début Anouilh et Aymé. Céline
partisan de Vichy ? Mais alors pourquoi Les Beaux
draps furent-ils interdits en zone sud ?
Personne d'autre, poursuit l'hebdomadaire allemand, n'a écrit des
pamphlets aussi monstrueux, (" ungeheuerliche "),
aussi fous (" wahnsinnige ") contre les Juifs et
leurs prétendus complots. Après sa fuite en Allemagne,
son séjour à Sigmaringen, puis son exil de sept ans au
Danemark, Céline a bénéficié d'une amnistie qui lui a
permis de rentrer en France. Mais - horreur ! - il n'a
jamais renié ses pamphlets antisémites (" seine
antisemitischen Pamphlete hat Céline nie bereut ").
Il n'a pas voulu une seule fois les reconnaître comme de
terribles erreurs.
Lucette Destouches veille scrupuleusement à ce que les
écrits infâmes (" die infamen Schriften ") comme
Bagatelles pour un massacre ne soient plus jamais
réédités.
Cela reste une énigme qu'un auteur qui a montré tant de compassions pour
les faibles et les victimes, qui, comme médecin des
pauvres, s'est souvent occupé de ses malades sans
percevoir d'honoraires, ait pu se métamorphoser en un
frénétique persécuteur (" in einen tobsüchtigen
Verfolger ").
Sa veuve ne peut pas totalement déchiffrer cette énigme.
Elle ne peut que renvoyer à son abyssale tristesse,
toute ma vie avec lui, dit-elle, a été comme si on
m'avait cassé du verre dans le cœur.
Encore ne rappelle-t-elle pas qu'elle fut contrainte, en février 1942,
d'assister, en compagnie de celui qui allait devenir son
mari, au meeting de Jacques Doriot au Vel' d'Hiv', comme
l'atteste une photographie prise à l'époque. Puis de le
suivre, le mois suivant, à Berlin pour un voyage de cinq
jours en compagnie de médecins, membres du Cercle
européen...
Nous avons conservé le meilleur pour la fin : " Ainsi la
France a, presque 40 ans après sa mort, finalement
réhabilité son écrivain maudit et banni. Céline, le
cavalier de l'Apocalypse, le traître à la patrie et
collaborateur de la Deuxième Guerre mondiale, le
frénétique antisémite, a trouvé sa place dans le saint
des saints du Panthéon littéraire. "
Imaginons, comme dit la chanson. Imaginons une minute
Céline, le traître à la patrie - pas traître à la patrie
allemande de MM. Leick et Augstein, l'ex Hitlerjugend
éditeur du Spiegel -, imaginons donc Céline
encore de ce monde, Céline encore en vie. Le déluge
d'épithètes ! Le typhon ! L'ouragan ! La tempête ! Les
cieux s'ouvraient, tonnaient, crachaient le feu.
Le Leick et l'Augstein sombraient, disparaissaient dans les profondeurs,
les profondeurs du ridicule, perdus corps et biens,
démantibulés, carbonisés, désintégrés à jamais. Le
spectacle ! On ne se consolera pas de l'avoir raté.
Regrets jusqu'à la consommation des siècles ! Eternels !
A réflexion, non. Pourquoi non ? Parce que Céline en
vie, les folliculaires du Spiegel n'auraient sans
doute pas osé y toucher. Seraient restés cois,
glorieusement silencieux dans leur haineuse et
nauséabonde putréfaction.
Que pouvons-nous faire ? Rien. Crions donc à pleins poumons pour remercier
ces patriotes de leur honnête contribution au tombeau de
Céline : Vive Der Spiegel, champion de
l'objectivité et de l'humour teuton ! (Robert Vuillin,
dans BC n°227).
********************
L'AFFAIRE CELINE.
On vient de ressortir L'Affaire Céline ( L'Ecole d'un
cadavre) publié en 1950 par les " Cahiers de la
Résistance " et rééditée en 1952 par les Editions
Créator
C'est cette seconde édition qui est à présent
disponible en " reprint ".
Dû à un certain Maurice Vanino, alias Maurice VANIKOFF, ce pamphlet se
voulait une réplique au " Mémoire en défense "
écrit par Céline en 1946.
Dans une lettre à Albert Paraz, Céline dénonce à son tour ce
libelle pourri de mensonges et de haine et
invitations hurlantes à m'assassiner.
Sa date de parution n'était pas innocente puisqu'elle se situe un
mois avant le procès de Céline devant la Cour de justice
de la Seine qui allait le condamner, par contumace, à un
an de prison.
VANINO-VANIKOFF devait espérer mieux. Sous le titre " La justice
française répondra à Céline ", il écrivait, évoquant le
sort tragique du journaliste Jean Ferdonnet :
Ferdonnet a été fusillé. Ferdinand serait-il pardonné !
Et de conclure : Les disciples de Céline ont été
frappés. Leur maître échappera-t-il à tout châtiment ?
Ses juges (...) diront si l'auteur de Mort à crédit doit
payer... au comptant.
On est loin, on le voit, de la réaction du
romancier belge Charles Plisnier qui écrivait, lui, à la
veille du procès : ... Qu'on le condamne ou non,
l'homme est à terre. J'aurais honte de l'accabler.
VANINO-VANIKOFF n'avait assurément pas ce scrupule. Un
document à découvrir pour prendre le pouls d'une époque.
M.L.
(BC n° 118, juillet 1992).
********************
"
Monsieur
KLARSFELD a le bras plus long que moi. "
La
scène se passe le 21 janvier 2011, en début de soirée, à
la chapelle de l'Ecole nationale supérieure des Beaux
-Arts, à Paris. Frédéric Mitterrand, ministre de la
Culture, est venu les mains vides. Il avait prévu
d'offrir un exemplaire de l'édition 2011 du recueil des
" Célébrations nationales " à chacun des invités venus
fêter le vingt-cinquième anniversaire de cette
publication. Il en a finalement décidé autrement. En
cause : la présence de Céline dans cet ouvrage de 300
pages.
Le
journaliste : Le Guide des Célébrations
nationales de 2011 n'est pas distribué à l'entrée de
l'Ecole des Beaux -Arts : il va
être remanié sans la notice de deux pages sur Céline,
explique Frédéric Mitterrand, qui en avait pourtant
signé l'avant-propos.
Le ministre (d'une voix posée) : Je pense que Louis-Ferdinand
Céline mérite toutes les célébrations littéraires par
son incontestable apport à l'histoire de la littérature
française. Je pense en revanche que le fait d'avoir mis
sa plume au service d'une idéologie répugnante - celle
de l'antisémitisme - de surcroît de façon
obsessionnelle, à une période où cette idéologie
répugnante, je le redis, a suscité tant de souffrances
ne s'inscrit pas dans le principe des célébrations
nationales. Louis-Ferdinand Céline est inscrit dans la
collection de la Pléiade. C'est une célébration
littéraire de premier plan. Louis-Ferdinand Céline ne
doit pas s'inscrire dans une célébration des valeurs de
la Nation et de la République.
Le journaliste (incisif) : Serge Klarsfeld a eu raison de votre
décision précédente, c'est ça ?
Le ministre (solennel) : En mon âme et conscience (1), j'ai
pensé qu'il était indispensable de prendre cette
décision. Voilà, c'est tout.
Henri Godard (s'approchant du ministre) : Je suis l'auteur de la
notice...
Le ministre : ... qui est très bien...
Henri Godard : ... concernant Céline.
Le
ministre (le coupant aussitôt) : Je ne veux pas de
polémique !
Henri
Godard : Mais...
Le
journaliste : Frédéric Mitterrand s'éloigne sans
s'adresser à Henri Godard. L'universitaire, qui a édité
l'œuvre de Céline dans la
Pléiade, est amer.
Henri
Godard (ému) : ... Je suis un peu indigné. (2)
Le
journaliste : M. Klarsfeld avait dit : " J'en
référerais au Premier Ministre et à M. Sarkozy si besoin
au moment du dîner du Crif. " (3)
Henri
Godard : Eh bien, écoutez, il a le bras plus long
que moi. Vous avez vu la manière dont Monsieur le
Ministre s'est éclipsé. J'aurais aimé que Monsieur le
Ministre ait un mot de regret, malgré tout. (4)
Le
journaliste : Cinquante ans après sa mort, - "
Céline le salaud ", comme le qualifie Henri Godard, a
donc eu raison de " Céline l'écrivain français le plus
traduit et le plus diffusé dans le monde, après Proust
". (France-Info, 21 janvier 2011).
1.
Rappelons que le communiqué de Serge Klarsfeld à l'AFP
tombe le mercredi 19 janvier. Durant quarante-huit
heures, le Ministre réfléchit à la question mais en
quelques heures, le vendredi 21 janvier, c'est la
Présidence qui tranche. A l'issue de sa conférence de
presse du lundi 24 janvier, Nicolas Sarkozy a été
interrogé sur le retrait de Céline des célébrations
nationales : il dit comprendre cette décision au regard
des " valeurs de la République " mais redit son
admiration pour cet écrivain " formidable " dont le
livre D'un château l'autre l'a impressionné ("
Le président aime toujours Céline ", Le Figaro, 25
janvier 2011).
2.
A d'autres journalistes, il aura des mots plus vifs : "
J'ai le sentiment d'avoir été piégé. Je suis furieux. "
(Le Monde, 23 janvier 2011).
3.
Rappelons qu'en décembre 2009, Serge Klarsfeld s'était
indigné de la publication des lettres antisémites de
Céline dans la Pléiade (Le Point.fr, 23 déc. 2009). Il
est à noter aussi que Klarsfeld a attendu le 19 janvier
pour intervenir alors que le recueil des célébrations
nationales 2011, ainsi que sa version web, étaient déjà
diffusés depuis plusieurs mois.
4.
Le ministre a déclaré par ailleurs que sa décision ne
constituait en aucun cas un désaveu à l'égard du Haut
comité (chargé d'établir la liste des personnalités
célébrées) mais une " inflexion " (sic) qu'il assume
pleinement.
********************
La consultation des dossiers Céline,
conservés aux Archives nationales et à la Préfecture de
police de Paris, donne accès à de nombreuses coupures de
presse, plaçant définitivement l'écrivain dans le camp
abhorré des collaborateurs.
Ces courts articles, publiés en pleine période
d'épuration, donnent une idée fidèle de la haine
nationale qui poursuit l'exilé dans les journaux de
gauche.
Ignoble, abominable, hideux, monstrueux... Aucun
adjectif ne semble assez fort, au sortir de la guerre,
pour décrire l'attitude suprêmement détestable des
collaborateurs. Du reste, leurs visages sont multiples
comme l'hypocrite Janus ou le cruel Cerbère. Il y a
d'abord le " patriote " dénonçant ses voisins à coup de
missives anonymes, le chef de parti enragé, le
germanophile passionné, le pacifiste aveugle ou
l'écrivain antisémite. Tous n'ont pas la même influence
et encore moins la même stature. Certains sont mus par
intérêt, d'autres par conviction. Les voix des uns
résonnent dans la presse ou sur les ondes, quand
d'autres agissent dans le silence honteux des combines
et des coups bas.
Ainsi l'exécution sommaire de Brasillach le 6 février
1945, s'expliquerait-elle par la responsabilité morale
de l'écrivain, qui se redéfinit à cette époque dans les
débats suscités par l'épuration (première partie) et
dans les procès d'écrivains (deuxième partie). La même
issue attendait Céline à Paris. De fait, la
collaboration est un imbroglio si complexe et si
embarrassant qu'il a fallu plusieurs décennies pour que
les historiens cherchent à démêler les principaux
linéaments. Mais la nuance vient avec le temps, et les
obsessions cathartiques de la résistance ne lui laissent
aucune place.
L'épuration
succède à la Libération. Il faut purger la presse,
balayer les reliques du passé vichyssois, bannir tous
ceux qui ont fait la part belle à l'occupant nazi. La
liste est longue et la rhétorique providentielle de la
presse résistante ne craint pas la dérive
manichéenne. Il y a les bons et les méchants. L'image
épique et triomphante du libérateur écrase ainsi le
visage essoufflé du collaborateur.
On retrouve donc, inconsciemment ou non, l'iconographie
traditionnelle de Saint-Michel terrassant le dragon.
Galtier-Boissière résume d'ailleurs parfaitement ce
climat d'affrontement et l'illusion de dualité
entretenue par les quotidiens d'Après -Guerre : " La
presse de la Libération n'a que deux rubriques, écrit-il
en 1944, glorification des fifis et mouchardage des
collabos ! "
Autrement dit, les journalistes d'hier, membres de Je
suis partout, du Pilori ou de La Gerbe, sont désormais
conspués par les journaux sortis de la clandestinité.
Parmi les cibles récurrentes de la presse libérée,
Louis-Ferdinand Céline occupe une place de choix. Les
nombreux titres qui lui sont consacrés illustrent en
effet l'indignation commune soulevée par l'écrivain
réfugié au Danemark, après s'être enfui en Allemagne aux
côtés du maréchal Pétain.
Qui est Céline pour cette France nouvelle qui s'édifie à
partir de 1945 ? Il est d'abord " l'auteur de
Bagatelles pour un massacre ".
Comme s'il s'agissait de faire l'impasse sur le reste de
son œuvre, c'est sans doute
la périphrase qui reviendra le plus souvent pour
désigner " l'écrivain collaborateur ", assimilé aux
pires excès de l'administration nazie. (Jean-François
Roseau, Le Petit Célinien, 21 février 2012).
Mai 1941. Conférence à l'Institut des questions juives
Céline au centre et Louis Lambert.
**************************
*
[ N° 23, document dactylographié des Renseignements
Généraux ] Confidentiel. 22 avril 1953.
Objet : A.S de Louis-Ferdinand Céline.
Le docteur Louis-Ferdinand Destouches, dit " Céline ", auteur des
Beaux draps, de Bagatelles pour un massacre, de Voyage
au bout de la nuit, demeure actuellement 25 ter route
des Gardes à Meudon (S et O).
Condamné par contumace le 21 février 1950, par la Cour de justice
de la Seine (3e sous-section), à 1 an de prison, 50000
fr. d'amende, à la confiscation de la moitié de ses
biens et à la dégradation nationale pour actes nuisibles
à la défense nationale, il a bénéficié ultérieurement
d'une amnistie.
Inscrit sur les listes électorales de cette localité, il
se rendra vraisemblablement aux urnes le 26 avril.
Ce geste, susceptible d'être interprété par certains comme " une
provocation ", pourrait créer des incidents.
**************************
* Le journal L'HUMANITE , 20 juin 1959.
Notre
protestation a porté : la RTF a dû renoncer à Céline.
Nous avons été les premiers à protester. L'association
Nationale des Anciens Combattants de la Résistance, la
Fédération Nationale des déportés, Internés, Résistants
et Patriotes, le Mouvement contre le Racisme,
l'Antisémitisme et pour la Paix, avaient élevé leur voix
indignée : Louis-Ferdinand Céline, cet antisémite
forcené qui écrivit qu'il donnerait " cent mille
Einstein pour un morceau d'ongle aryen ", devait parader
à la télévision hier soir.
Il
n'y est pas venu. Comme l'écrit naïvement " Paris-Presse
" : la direction générale de la RTF a pris la décision "
de renoncer à Céline " à la suite des protestations
qu'avaient suscitées ses intentions.
(Spécial
Céline n°2, sept.-oct. 2011).
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CELINE dans " ACTUALITE JUIVE "
Le
fait que Serge Klarsfeld obtienne gain de cause
aura eu une autre conséquence : le principal organe de
la presse juive en France a consacré un dossier à Céline
!
Créé
en 1982, cet hebdomadaire communautaire à un tirage
d'environ 17 000 exemplaires, dont 13 500 vendus en
kiosque. Dans son éditorial, Serge Benattar observe que,
si Céline n'est pas passé devant le poteau d'exécution
comme Brasillach, " il l'aurait bien mérité ". Et
de craindre que " dans quelques années, on ne gardera
des ces écrivains collaborateurs que l'image de stars de
la littérature ".
Sous
le titre " Céline, itinéraire d'un écrivain antisémite
", Jean-Yves Camus signe une évocation de la vie de
l'écrivain à travers ce prisme particulier : " Son
passage au service d'hygiène de la Société des Nations
(l'ONU d'alors) sous l'autorité d'un médecin juif, a son
importance dans son rapport aux Juifs, tout comme sa
rupture avec sa passion de la fin des années 20, la
danseuse américaine Elizabeth Craig dont il attribue la
trahison à son mariage avec un " juge juif ".
On
s'accorde généralement pour dire que, sous l'occupation,
Céline fit preuve d'une grande imprudence en écrivant
des lettres aux journaux. Ce n'est pas l'avis d'Emile
Brami qui estime que " sa façon de procéder était
extrêmement maligne " : " En envoyant ses
lettres, il disait aux journalistes qu'il s'agissait de
lettres personnelles et non pas d'articles. (...) Il
précisait toutefois que s'ils décidaient de les publier,
ils pouvaient le faire sous leur responsabilité et sans
couper une ligne. Ainsi sa défense après la guerre a été
de dire qu'il n'avait jamais écrit un article.
"
A
l'instar de certains exégètes actuels, Catherine Garson
porte un regard critique sur toute l'œuvre
de Céline, y compris ses romans : " Même si sa haine
antisémite n'est prégnante que dans trois de ses quatre
pamphlets, l'esthétique entière de Céline a partie liée
avec un antihumanisme dérangeant impossible à nier.
" Dans un deuxième article, la journaliste dénonce, chez
les internautes (céliniens ou non), un aspect "
pro-palestinien " dans le nouveau discours antisémite.
En exemple, elle cite notamment ce commentaire : "
C'est vrai que le grand donneur de leçon devant
l'éternel Serge Klarsfeld a un drôle de fiston qui a
servi comme garde-barrière devant le ghetto de
Cisjordanie en portant l'uniforme d'une armée
d'occupation accusée de crimes de guerre par l'ONU.
" Elle déplore que ces propos " passent allègrement le
filtre des divers modérateurs " sur des forums comme
celui du Figaro.
Revenant
sur le sujet la semaine suivante, Michael Sebban salue
l'initiative de Serge Klarsfeld : " Il est bon qu'une
voix juive rappelle que la littérature ne pèse pas
grand-chose face à la figure ignoble et il est
appréciable que là, cette voix fut entendue. "
Mais
il exprime sa colère face " aux réactions confuses
d'intellectuels généralement mieux inspirées ". Dont
celle d'Alain Finkielkraut " qui demande d'assumer
l'héritage contradictoire de Céline " et de ne pas
accréditer l'idée du " lobby juif ".
Ou
l'indignation de Pierre Assouline pour " la
volte-face indigne du ministre de la Culture ".
Sebban conclut : " La littérature ne serait-elle que
fascination confuse pour le mal ? Héritier de Céline !
(...) Quelle dignité ? Notre seul héritage est celui de
nos ancêtres assassinés par la vermine célinienne. " (BC
n°329, avril 2011).
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COLLOQUE " Céline, réprouvé et classique "
Ce
fut une belle réussite, du 4 au 5 février 2011, la
petite salle (158 places) du Centre Pompidou était
comble et les organisateurs peuvent se targuer d'avoir
obtenu, en guise d'heureux épilogue, la participation
(gracieuse) de Fabrice Luchini. La veille, le spectacle,
conçu par Emile Brami et magistralement interprété par
Denis Lavant, remporta un égal succès.
L'originalité
de ce colloque fut de donner la parole à des
anti-céliniens patentés : Jean-Pierre Martin, qui signa
naguère un mémorable Contre Céline (1997), et Daniel
Lindenberg, auteur d'une belle contrevérité : " Sous
l'Occupation, Céline alla jusqu'à poser très
sérieusement [sic] sa candidature au Commissariat
général aux questions juives " (1).
Ces
deux universitaires ont comme point commun d'avoir
communié jadis dans la même ferveur maoïste. L'un à la
GP (Gauche prolétarienne), l'autre à l'UJCML (Union des
jeunesses communistes marxistes-léninistes). Cette
expérience militante leur permet assurément de juger
avec acuité la dérive totalitaire de romanciers ayant
été aussi des écrivains de combat. La nouveauté consiste
à relier Céline à Auschwitz.
Ainsi, J.-P. Martin cita, pour l'approuver, Serge
Doubrovsky : " Que voulez-vous que moi, juif, je
fasse d'un écrivain qui voulait mon extermination ? Si
je n'ai pas été gazé à Auschwitz, c'est malgré Céline (2).
"
Jamais auparavant de tels propos ne furent tenus dans un
colloque consacré à l'écrivain. Les céliniens qui font
autorité ont écrit exactement le contraire : "
Céline, mieux que tout autre, savait qu'il n'avait pas
voulu l'holocauste et qu'il n'en avait même pas été
l'involontaire instrument (3). " Dixit François
Gibault. Quant à Henri Godard, il a toujours considéré
que, si l'antisémitisme de Céline fut virulent, il ne
fut pas meurtrier (4). Et Serge Klarsfeld lui-même tint
ce propos lors d'une soutenance de thèse consacrée
précisément aux pamphlets : " Malgré leur outrance
insupportable, ils ne contiennent pas directement
d'intention homicide. (5) "
En
cette année du cinquantenaire, une étape a donc été
franchie. Il s'agit de faire d'un antisémite
incontestable un partisan des camps de la mort. En
décembre 1941, lors d'une réunion politique, Céline se
rallia à un programme préconisant la " régénération
de la France par le racisme ". Il précisait ceci : "
Aucune haine contre le Juif, simplement la volonté de
l'éliminer de la vie française. (6) "
Il suffira désormais de supprimer ces quatre derniers
mots pour faire de Céline un partisan du meurtre de
masse.
(1)
Daniel Lindenberg, " Le national-socialisme aux couleurs
de la France. Louis-Ferdinand Destouches, dit " Céline
", Esprit, mars-avril 1993.
(2) Michel Contat, " Serge Doubrovsky au stade ultime de l'autofiction ",
Le Monde, 3 février 2011. Et Jean Daniel de blâmer " une
célébration qui ferait l'impasse sur le caractère
infâme, abject et déshonorant des écrits antisémites que
Céline a publiés, y compris dans le moment où il savait
[sic] que les juifs étaient déportés en Allemagne pour y
être gazés. " (Carnets d'actualité, instants de pensée
et d'humeur ", Le Nouvel Obs.com, 2 février 2011).
(3) François Gibault, Préface à Lettres de prison à Lucette Destouches et
à Maître Mikkelsen, Gallimard, 1998.
(4) Henri Godard, " Louis-Ferdinand Céline " in Célébrations nationales
2011, Ministère de la Culture, 2010.
(5) Propos tenus le 16 octobre 1993 à l'Université Paris VII lors de la
soutenance de Régis Tettamanzi (thèse sur les pamphlets
de L.F.Céline et l'extrême droite des années 30. Mise en
contexte et analyse du discours.)
(6) Voir Céline et l'actualité, 1933-1961, Les Cahiers de la NRF,
Gallimard, 2003, réed. (BC
n°328, mars 2011).
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*
Roger ASCOT (né Askolovitch, 1928-2011, écrivain,
journaliste) : " Peu importe son talent. Céline
participe de Vichy, d'Hitler et d'Auschwitz.
Comme tel, le mieux qui puisse arriver à sa mémoire, c'est qu'on
l'oublie. " (L'Arche, 1984).
*
Benjamin BIOLAY (auteur-compositeur-interprète,
chanteur et acteur français) : " Etes-vous pour
l'interdiction de Bagatelles pour un massacre de Céline
?
J'ai lu cette horreur. Autant Voyage au bout de la nuit c'est 20/20 autant
cet ouvrage ce n'est même pas 0.
Le mec qui écrit ça, je le vois, je lui mets un coup de tête. Il y a à peu
près 24 fois par page le mot " youpin ". C'est un
immondice. Je suis scandalisé que l'on pense même à le
republier. "
(Benjamin Biolay, Actualité Juive, 11 février 2018, dans Spécial Céline
n°28, avril-mai-juin 2018).
*
Jean BLOT (de son vrai nom Alexandre Blokh,
écrivain, haut-fonctionnaire, traducteur) : " Ce n'est
pas parce qu'il est un salaud qu'il faut en faire un
grand écrivain : intelligence médiocre, imagination
pauvre. Il garde le privilège d'une sensibilité
grinçante.
Avec lui commence la clochardisation de la littérature
française. Je trouve sa promotion suspecte. " (Information
juive, février 1987, E. Mazet, Spécial Céline 7).
* Michel BOUNAN (médecin, essayiste) : " La
bonne question n'est pas de savoir comment un libertaire en vient à
s'acoquiner avec des nazis mais pourquoi ce genre de personnage croit
bon de se déguiser en libertaire. "
(L'art de Céline et son Temps,
1997, Spécial Céline n°7, Eric Mazet).
* André BRETON (essayiste, théoricien du
surréalisme, poète et écrivain, 1896-1966) : " Cher Camarade, Mon
admiration ne va qu'à des hommes dont les dons (d'artiste, entre autres)
sont en rapport avec le caractère. C'est vous dire que je n'admire pas
plus M. Céline que M. Claudel, par exemple. Avec Céline l'écœurement
pour moi est venu vite : il ne m'a pas été nécessaire de dépasser le
premier tiers du Voyage au bout de la nuit, où j'achoppai contre
je ne sais plus quelle flatteuse présentation d'un sous-officier
d'infanterie coloniale. Il me parut y avoir là l'ébauche d'une ligne
sordide. Aux approches de la guerre, on m'a mis sous les yeux d'autres
textes de lui qui justifiaient amplement mes préventions.
Horreur de cette littérature à effet qui très vite
doit en passer par la calomnie et la souillure, faire appel à ce qu'il y
a de plus bas au monde. L'antisémitisme de Céline, le soi-disant «
nationalisme intégral » de Maurras, sous la forme ultra-agressive qu'ils
leur ont donnée, ne sont pas seulement des observations, mais le germe
des pires fléaux. A ma connaissance Céline ne court aucun risque au
Danemark. Je ne vois donc aucune raison de créer un mouvement d'opinion
en sa faveur. "
(Le Petit Célinien, 12 sept. 2014).
*
Louis CALAFERTE (écrivain, 1928-1994) : " Lorsqu'on
a le talent et même le génie de Céline, on a tout de
même le devoir de réfléchir quand on tient une plume...
Je pense que Céline est réellement un criminel et qu'il
restera aux yeux de l'Histoire un criminel de talent.
C'est tout ce qu'on peut en dire et c'est tout ce que
moi, j'en dis. "
(L'aventure intérieure, entretiens
avec Jean-Pierre Pauty, éd. Julliard, 1994, dans BC n°
152, mai 1995).
*
Michel CIRY (peintre, graveur, écrivain) : " Peintre
de talent dont l'anticonformisme face aux ridicules du
siècle est revigorant. Grâce au dernier tome de son
Journal (éd. Buchest-Chastel), qui va de mars 1959 à
mars 1963, on peut se rendre
compte
qu'un grand esprit n'est pas à l'abri de débiter les
critiques les plus éculées. Paradoxe... l'artiste émet
un jugement définitif sur un auteur dont il avoue ne pas
avoir lu plus de trois pages. Voici ce que lui inspire,
en juillet 1963, la mort de Céline : " Je n'ai jamais
pu, au nom d'un dégoût littéralement physique, dépasser
le cap de la troisième page de ces débordements,
orduriers à plaisir, d'un systématisme non moins
irritant dans l'écriture que pour ce qu'il est convenu
d'appeler l'esprit ; toutes autres vertus possibles s'en
trouvent anéanties, étouffées sous le poids d'un tel
magma de saloperies verbales d'une affligeante gratuité.
A dire merde tous les cinq mots, à enculer toutes les
dix lignes, à vomir à chaque page, à blasphémer comme on
respire et à cracher pour rien à la face de tout, on
risque fort de gâcher les effets recherchés avec une
pareille outrance.
C'est
mortel à lire et, de plus, singulièrement répugnant. Il
est probable que la même pensée exprimée sans un tel
recours à la putasserie du vocabulaire eût donné une
œuvre qui serait passée
inaperçue parce que son essence même ne méritait pas
davantage que cette juste indifférence. S'il est encore
permis de choisir, dans l'ordre du lyrisme et de la
violence, alors vive Péguy et que crève une seconde fois
cet éboueur des lettres que fut Céline, car il me paraît
nettement préférable d'être fasciné par le ciel
qu'hypnotisé par le bas-ventre. " Comme épitaphe
vengeresse, on conviendra que ce n'est pas mal. "
(BC
n° 148, janvier 1995).
*
Charles DANTZIG (écrivain, éditeur) : " Céline c'est
Dante. Un partisan battu qui ne le juge pas comme le jeu
normal des choses, mais de l'injustice, et qui enfle un
sort banal à des proportions insensées. Céline était
irrité quand on parlait de lui comme d'un génie comique
et inoffensif, mais en même temps c'est ce qui le
protégeait. Il est dans une situation paradoxale que ce
n'est qu'à condition de ne pas le prendre au sérieux
qu'on peut le prendre au sérieux.
C'est ce que font ses partisans actuels pour le désinfecter, après une
journée de dupes qui dure depuis soixante ans entre une
certaine droite l'aimant en réalité pour son racisme et
une certaine gauche pour ce qu'elle croit être sa
destruction de la société bourgeoise par la destruction
du langage. On voudrait conclure que Céline est un de
ces ingénus qui se sont laissé assommer par les idées,
mais Céline n'est pas un ingénu. C'est un homme qui a
l'explication du monde. Si elle perd, il en change, car
au convaincu il n'importe que de l'être.
A la fin de sa vie il était passé au péril jaune. Il
avait eu le temps de nous répéter, interview après
interview, qu'il avait inventé un style unique, sans
prédécesseurs et sans successeurs. Or, il est sorti tout
furibond de Jules Laforgue. L'emploi des points
d'exclamation, des points de suspension, le style de "
l'émotion ", ce sont Les Complaintes et les Moralités
légendaires, la tendresse en moins, et les
trépignements en plus.
Dans les Entretiens avec le Pr Y, il expose son art d'écrire avec
un orgueil qui se donne l'air de la vanité. Comme il a
l'air de ne pas ressembler aux autres, il est content.
S'agace de ce qu'on lui parle de sa ponctuation, mais en
même temps, c'est cela qu'il vante. Et c'est cela qui le
persuade qu'il est supérieur. Lucain avait un style
caillouteux, Virgile un style simple ; Fénelon dit : "
Lucain devait naturellement croire qu'il était plus
grand que Virgile " (Lettre à l'Académie).
Plus encore que hâbleur, Céline était coquet. "
(Dictionnaire égoïste
de la littérature française, Grasset, 2005, poche 2009,
Le Petit célinien, 1 oct. 2011).
*
Serge DOUBROVSKY (écrivain, critique littéraire,
professeur de littérature française) : " Il a beaucoup
compté, il compte encore beaucoup pour ma langue écrite,
mais que voulez-vous que moi, juif, je fasse d'un
écrivain qui voulait mon extermination ?
Si je n'ai pas été gazé à Auschwitz, c'est malgré
Céline. "
(Le Monde, 4 février 2011, dans E. Mazet,
Spécial Céline n°7).
* Annick DURAFFOUR (historienne, professeur de lettres) : " De mon côté, j'aborde entre autres la question des dénonciations : des mots qui, sous l'Occupation, deviennent des actes. Céline a dénoncé Robert Desnos, Charles Cros, le Dr Mackiewicz, secrétaire des médecins de Seine-et-Oise, le Dr Howyan, médecin femme du dispensaire de Clichy, et probablement Serge Lifar. Il dénonce comme communiste le Dr Rouquès dans sa préface à la réédition de L'Ecole des cadavres. Il dénonce comme juif Victor Barthélémy en apportant une lettre en main propre à Jacques Doriot, chef du PPF. Et, comme il cherche du travail, il dénonce le médecin chef du
dispensaire de Bezons, le Dr Hogarth, d'abord comme médecin juif étranger - ce que n'était pas ce dernier - puis comme nègre haïtien. Alors que le maire de Bezons lui résiste, il insiste auprès du directeur de la Santé à Paris, obtient le licenciement de Hogarth, et prend sa place. [...] Voyage n'est pas un texte humaniste, il exprime une révolte " populiste " qui mêle tout et son contraire, scènes fortes, véritable poésie et préjugés grossiers : les Noirs y sont des " cannibales " " ahuris " qui relèvent " de la misère incurable, innée " ; " les femmes, ça ne médite jamais " tandis que les hommes devant la Seine " urinent avec un sentiment d'éternité "... [...] Si le procès avait lieu aujourd'hui, les choses seraient différentes. Le dossier était incomplet et vous le savez bien ! (Figaro Magazine, 3 et 4 février 2017, Esprits libres, A. Duraffour, P.-A. Taguieff / F. Gibault).
*
Lény ESCUDERO (de son vrai nom Joaquim Leni
ESCUDERO, acteur, chanteur et
auteur-compositeur-interprète) : " Céline a écrit des
livres ignobles, mais Mort à crédit et le Voyage,
ça a été un choc. J'avais une petite amie qui était sa
nièce, elle s'est proposée pour me le faire rencontrer.
Il
a d'abord dit non, puis oui. C'est moi qui n'ai pas
voulu... "
(Libération, 21 avril 1994, dans BC n°
141, juin 1994).
*
Luc FERRY (ancien ministre de la Jeunesse, de
l'Education Nationale et de la Recherche de Jean-Pierre
Raffarin, professeur de philosophie) : " Céline n'est ni
Hugo ni Molière : non seulement le jugement de
l'histoire n'est pas passé, mais l' "admiration " qu'il
suscite est pour le moins douteuse, à proprement parler
discutable si l'on songe que l'exceptionnelle virulence
de son antisémitisme n'est pas ou ne peut pas être tout
à fait sans lien avec le fond de son oeuvre. "
(Célébrer Céline ? , Le Figaro, 29 janvier 2011).
*
Viviane FORRESTER (née Dreyfus, écrivaine,
essayiste, romancière, critique littéraire, 1925-2013) :
" Son verbe ému, ravageur, comme il n'en est pas
d'autres. Mais aussi sa bêtise, les clichés éculés, les
poncifs donnés dans les pamphlets
antisémites, comme vérités premières. Sa collusion
empressée avec les plus forts, ses poses bravaches pour
s'accorder avec l'air du temps contre une minorité ; sa
fusion moche avec ce qu'il a su, magistral, somptueux,
dénoncer : l'ampleur de la mocheté. Son crime, oui, et
moche. Ses violences, protégées, conformistes. Son appel
sans risque à l'horreur. Et qui fut exaucé. [...]
Recours : annoncer l'anomalie de Céline, écrivain de
génie donc exceptionnel, par là, de nature et d'évidence
exceptionnel en tant que salaud. Un monstre. On connaît
l'étrange, la grande excuse donnée par les complices de
l'horreur : " Il faut se rappeler l'époque : tout le
monde pensait de la sorte alors, c'était considéré comme
innocent. "
Céline,
outrancier, dépasse la mesure, appelle au meurtre, à
l'extermination mais ne scandalise pas (ou fort peu)
même avant la guerre. [...] Au cours des nombreux
enregistrements de l'écrivain à Meudon ou dans des
studios parisiens, nul ne lui a posé la question des
noms omis dans la trilogie d'après-guerre, nul n'a
simplement prononcé les noms d'Auschwitz, Chelmno,
Treblinka, entre autres. [...] Son pouvoir semble avoir
joué sur tous les interlocuteurs, ceux aussi qui
n'étaient pas de son bord, tous demeurés, timides,
interdits, Hypnotisés. "
(Spécial Céline n°9, Anthologie, Opinion publique, Eric Mazet, 2013).
*
Georges FRECHE
(président de la région
Languedoc-Roussillon) " Georges FRECHE a déclaré:- " La qualité littéraire ne saurait
en aucun cas suppléer la déviance morale (...) En 1945, Drieu la
Rochelle, Brasillach et Céline méritaient d'être fusillés ".
Il est piquant de constater que Georges FRECHE, membre éminent
du Parti socialiste est contre la peine de mort. Dans son Encyclopédie
politique française, Emmanuel Ratier rappelle que FRECHE
fut autrefois l'un des premiers maoïstes français, avant de devenir
membre du Parti communiste marxiste-léniniste de France. N'en doutons
pas: c'est avec ce type de pedigree que l'on fait les plus féroces
épurateurs. "
(BC n° 255, lu dans Le
Monde, 23 juin 2004).
* Jean HEROLD-PAQUIS (journaliste,
milicien, adhérent du PPF, jugé et fusillé le 11
octobre, 1912-1945) : " Ce fut dans cette atmosphère que
j'appris la fuite de L.-F. Céline. Réfugié à
Sigmaringen, Céline avait vu la défaite allemande, après
l'échec des Ardennes. Dès lors, il s'était renié. Il
racontait que L'Ecole des cadavres, Bagatelles pour
un massacre, Les Beaux
draps
n'étaient que des notes personnelles qu'il ne
voulait pas livrer au public, mais que Denoël lui avait
littéralement arraché les pages manuscrites de ces trois
bouquins. Oui, L.-F. Céline, porté au pinacle par les
propres ténors de la collaboration, Céline, pour une
lettre duquel Je suis partout ouvrait sa première
page, Céline, le dieu des anti-juifs, le messie de
l'ordre nouveau, Céline que son torrentiel langage avait
imposé à la foule, Céline qui était le " prophète ", l'
"Evangile ", tout, en un mot, Céline désavouait l'auteur
de Bagatelles pour un massacre, L'Ecole des cadavres
et Les Beaux draps.
Ces trois livres, il les jetait au feu de la
lâcheté ; ces trois livres, il les méprisait, les
repoussait du pied. Céline faisait lui-même, dans cette
ville allemande, devant quelques milliers de Français,
le " Voyage au bout de la honte ". Puis un jour, il
disparut.
Laissant là son ami Le Vigan, L.-F. Céline était parti au Danemark, ayant
obtenu des autorités allemandes et danoises de servir
comme médecin dans une formation sanitaire. Il devait
rester peu de temps aux lieux de son second exil.
Bientôt, il passait en Suède. Ainsi mourut, méprisé par
ses amis et ses ennemis, celui que Daudet avait salué du
titre de " nouveau Rabelais ".
(Jean Hérold-Paquis, Des Illusions... Désillusions !..., Mémoires, 15
août 1944-15 août 1945, Bourgoin, 1948).
*
Bernard LECACHE (journaliste français, 1895-1968,
fondateur en 1927 de La Ligue contre l'Antisémitisme (LICA)
: " Le docteur Destouches, plus connu sous le nom de
Louis-Ferdinand Céline, vient de mourir.
Mort volontaire. Le malheureux donnait déjà depuis quelque temps des
signes évidents de déséquilibre mental, se prenait pour
Dieu le Père, vomissait sur l'amour et sur
les hommes, et manifestait une propension marquée pour
les boissons alcoolisées. Il s'est jeté dans un "
roman-fleuve " et s'y est noyé.
Sa fin ne
surprendra personne. Dans son Voyage au bout de la
nuit, Destouches-Céline avait failli se perdre dans
une littérature de clystère. Pour tout avouer, il
s'oubliait, et son écriture, eût dit M. Purgon, était "
relâchée ". Avec Mort à crédit l'auteur, plaçant
son génie dans son derrière, avait écœuré jusqu'aux
professionnels de la scatologie. Il s'est achevé avec
Bagatelles pour un massacre, livre hitlérien, donc
abject.
Berlin est en deuil. M. Denoël, éditeur (à tout faire) est seul à se
réjouir. Comme il aime à le déclarer : " C'est un
secours de la publicité, et l'argent n'a pas d'odeur.
Même s'il sent ce que vous pensez, il est bon à prendre.
"
Les obsèques
seront célébrées aux frais de M. Goebbels, en témoignage
de gratitude envers le défunt/ Les chrétiens, les Juifs,
les francs-maçons, les bourgeois, les savants, les
écrivains, et tous les honnêtes gens sont priés de
s'abstenir.
Car le cadavre pue.
(Le Droit de vivre, 22 janvier 1938, Mort de Louis-Ferdinand Céline, in
André Derval, L'accueil critique de Bagatelles pour un
massacre, Ecriture, 2010, p.111).
* Joseph LANZA DEL VASTO (né Enrico
Lanza di Trabia-Branciforte, philosophe, artiste, poète,
1901-1981): " Céline : ignoble, illisible, immonde... "
(Interview télévisée, Spécial Céline n°8, E. Mazet).
* Jacques LANZMANN (auteur, parolier,
scénariste, 1927-2006): " L'homme Céline étant pour moi
l'un des plus grands criminels de l'histoire de France,
je considère qu'il est, par ses écrits, par ses appels à
la haine et au racisme, responsable entre autres, de la
rafle du Vel d'Hiv'.
Pour moi Céline n'est pas un homme mais un
chien. J'ai été révolté et indigné dès l'âge de 22 ans
quand j'ai découvert Céline : depuis lors, je n'ai
jamais pu " entrer " dans aucun de ses livres. "
(Information juive, février 1987, dans Spécial Céline
n°8, E. Mazet).
* Frédérique LEICHTER-FLACK
(maître de conférence à l'Université Paris Ouest
Nanterre) : " On trouve dans Voyage au bout de la
nuit tous les ingrédients pour le populisme actuel.
Le regard porté par Céline sur son époque est aussi
dangereux pour la nôtre. De Céline, il n'y a pas de
lecture innocente possible :
la vigilance doit s'exercer
jusque dans l'appréciation du style, et pas seulement
dans l'effort pour restreindre à l'œuvre, l'admiration
que nous pourrions être tentés d'éprouver pour
l'écrivain. "
(Céline, le " style contre les idées "
? , Méfiance ! ,
www.lemonde.fr, 27 janvier 2011, BC n°330, mai
2011).
*
Daniel MAYER (homme politique socialiste, membre de
la Résistance, ministre du travail et de la Sécurité
sociale, 1909-1996)
: " [N° 26, document dactylographié des R.G. ]
Confidentiel. 11 juin 1959.
Objet : A.S de l'attitude des milieux anciens résistants à l'encontre de
l'écrivain Louis-Ferdinand Céline.
Le
journal " France-Soir " a annoncé récemment que
l'écrivain Louis Destouches plus connu sous le nom de
Louis-Ferdinand Céline devait participer, le 19 juin
prochain, à une émission de la RTF, animée par M. Louis
Pauwels.
Traduisant l'émotion ressentie dans certains milieux anciens résistants
en raison de l'activité collaborationniste de
l'intéressé, M. Daniel MAYER aurait demandé au "
Comité d'Action de la Résistance " d'intervenir avec
vigueur auprès du ministre de l'Information pour
empêcher ce " scandale ".
[Une notice bio-bibliographique de l'écrivain est jointe à ce texte]
(Spécial
Céline n°2, sept-oct. 2011).
* Pierre PERRET (chanteur, auteur,
compositeur): " Dans son dernier disque (La bête est
revenue), l'immortel auteur du Zizi s'est fendu
d'une chanson consacrée à Céline : " J'ai cru
découvrir un grand écrivain / J'avais dix-huit ans quand
j'ai lu
l'Voyage / Puis Mort à crédit et après plus rien / Que
des mots fascistes j'ai tourné la page / Il aidait les
pauvres autant que les chatons / C'est c'qu'il
prétendait mais il n'aimait guère / Tout c'qui était
négro-judéo-saxon / D'la graine de racaille et de
rastaquouères / [...] Racisme d'abord, racisme avant
tout / Racisme suprême et désinfection / C'est c'que tu
écrivais dans Je suis partout / Pour toi Buchenwald fut
la solution. "
Que cela soit, pour nous, l'occasion de
citer, sans autre commentaire, cette lette de Céline à
Jean Paulhan que PERRET ne doit pas connaître : "
Lorsque j'attaquais les Juifs. Lorsque j'écrivais
Bagatelles pour un massacre je ne voulais pas dire
ou recommander qu'on massacre les juifs. Eh foutre
tout le contraire. Je demandais aux juifs
à ce qu'ils ne nous lancent pas par hystérie dans un
autre massacre plus désastreux que celui de 14-18 !
C'est bien différent. On joue avec grande
canaillerie sur le sens de mes pamphlets. On
s'acharne à me vouloir considérer comme un massacreur de
juifs. Je suis un préservateur patriote acharné de
français et d'aryens - et en même temps d'ailleurs de
Juifs ! Je n'ai pas voulu Auschitz, Buchenwald. Foutre !
Baste ! Je savais bien que déclarant la guerre ont irait
automatiquement à ces effroyables " Petioteries " ! "
(BC n°194, janv. 1999).
* " J'ai un dégoût profond pour ce
type. Au début, j'ai eu un véritable intérêt pour
l'écrivain. Puis quand j'ai vu l'étendue des aberrations
qu'il proférait, les incitations à la haine qu'il
lançait, son racisme total, sa profonde attirance pour
les nazis et autres racistes, j'ai ouvert les yeux. Il
n'y a aucun talent qui puisse excuser cette attitude. "
(Actualité juive hebdo, Paris, 14 janv.1999, BC n°
196, mars 1999).
* RABI (né Wladimir Rabinovitch, juriste et
écrivain, 1906-1981): " On ne peut rien comprendre à
Céline si l'on omet ce fait primordial à savoir que cet
homme est fondamentalement une combinaison complexe de
forfanterie, de couardise, de cupidité et de ruse. Toute
tentative de compréhension s'arrête à ce barrage...
(...) La vérité, telle qu'elle se dégage de l'examen
chronologique des textes, est que Céline n'a jamais
cessé d'être antisémite, mais que, tout au moins pendant
une certaine période, de 1932 à 1936, il en a atténué ou
supprimé l'expression pour des raisons de pure réussite
littéraire.
(...) Il figure parmi ceux qui ont ouvert les voies du nazisme en France,
et préparé ainsi l'extermination physique de la minorité
juive qui était partie de la nation. (...) Seront sauvés
Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit.
Tout le reste doit être jeté à la poubelle. "
(L'Herne 3, 1963).
* George STEINER
(écrivain et philosophe, critique littéraire, linguiste
1929-2020) : "... Même si je considère ses
œuvres tardives, D'un château l'autre (1957) ou
Nord
(1960), comme encore des chefs-d'œuvre, je n'aurais
jamais voulu le rencontrer. Il me dégoûte comme être
humain. (...) Tous ces pamphlets horribles, c'est la
nausée absolue, et je ne me force pas. Mais je sais
quelle est l'importance de cet écrivain à qui on arrive
parfois à pardonner beaucoup trop. Il y a ce soir-là, à
l'ambassade d'Allemagne à Paris, où Céline s'est mis à
imiter brillamment un discours de Hitler [NDLR :
confusion avec Gen Paul, pour ce qui concerne
l'imitation]. Son discours disait que Hitler n'était pas
assez antisémite, qu'il était un faux antisémite, et
qu'il allait perdre la guerre par manque de cran envers
les juifs. Il y a eu un choc dans l'assistance, il
paraît qu'une dame s'est évanouie, et on a littéralement
saisi Céline au collet pour le faire sortir.
C'était comme si, pour
une seule nuit, Charlot et Buster Keaton réunis avaient
pu montrer leur talent à Berchtesgaden. S'il existe un
enfer, je crois que dans l'enfer où doit se trouver
aujourd'hui Céline, il y a pour lui un tout petit moment
d'air conditionné. L'espèce de courage de son mal était
transcendant et lui permettait tout. Vous connaissez
cette page, tirée de D'un château l'autre où, à
Sigmaringen, Pétain traverse le pont devant toute sa
cour et, étant très sourd, n'entend pas l'approche d'un
avion anglais qui va mitrailler. Tout le monde essaie de
se cacher, mais personne n'ose vraiment, parce que lui,
Pétain, maréchal de France, marche très raide : c'est,
je le regrette, une page shakespearienne. "
(Le Monde
de l'éducation, déc.1999, dans BC n°206, février 2000).
*
Maurice SZAFRAN (journaliste, directeur de
Marianne): " Est-il seulement convenable de reconnaître
pareille aberration dès lors qu'on prétend diriger un
hebdomadaire culturel ? Je n'ai jamais lu Céline (...)
L'idée même d'ouvrir un roman de Céline ou de Drieu me
fait horreur. L'ordure a du talent ? Et après.
J'ai plutôt envie de m'intéresser au très catholique
François Mauriac, à sa passion bordelaise et gaulliste,
à ses interrogations sur la grâce du Christ.
Il ne dispose pas de la folie
créatrice d'un Céline ? Peut-être, mais il n'a jamais
non plus souhaité que les enfants juifs soient gazés à
Auschwitz. "
(J'ignore Céline, L'Evénement du jeudi, 28
mai 2000, dans L'Année 2000, du Lérot Ed).
* Charles SZYMKOWICZ
(peintre du néo-expressionnisme) : " Si Céline est l'un
des plus grands écrivains du siècle, par certains de ses
livres, il est aussi une crapule. Et pour moi, la
crapule l'emporte sur le grand écrivain. "
(Le
Journal-Le Peuple, 29 février 1996, BC n° 165, juin 1996).
* Claude VIGEE (né Claude
Strauss, poète, universitaire, traducteur): " Je n'ai
pas lu Céline depuis 30 ans. Son côté crapulard m'a
toujours dégoûté. Malgré son grand talent, il me
répugne. Je ne peux jamais oublier que cet homme a "
dansé sur le cadavre " de notre peuple. Il est resté le
complice de nos assassins.
Il a mis son talent verbal au
service de la violence, pour assouvir un ressentiment
sans fond. Sa motivation principale est la vengeance
pour des blessures d'amour propre. La bassesse d'âme a
été sa source d'inspiration. "
(Information juive,
février 1987, dans Spécial Céline n°8, E. Mazet).
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